Les sentiments avec adverbe

Publié le par nane528

salom--2.jpgJe dois cette expression à Jacqueline Harpman, dont je trouve l’écriture superbe, magique. Elle a le don avec chacun de ses livres de faire danser mes neurones, c’est-à-dire de me transporter hors de moi. Il y a les sentiments sans adverbe qui s’énoncent directement et ceux qui ont besoin d’un petit complément. Quand nous avons besoin d’ajouter un adverbe à un sentiment, comme dans « je t’aime beaucoup » ou « je t’aime encore », c’est que notre amour n’est déjà plus de l’amour, seulement un sentiment affectueux, une affection au pire.

Nous avons pourtant toute une gamme de sentiments à adverbe que nous offrons avec générosité (et légèreté parfois) en direction d’hommes et de femmes proches mais donc, sans le savoir toujours, nous nous éloignons.

« Je t’aime bien », dit la tiédeur, sinon l’usure, d’un amour qui a perdu beaucoup de sa vitalité et qui est déjà en partance.
« Je t’aimerai toujours » se projette dans un futur hypothétique au moment où l’amour au présent donne des signes de faiblesse.
« Je n’aime que toi » cache sa violence dans le que et nie l’enfermement proposé.
« Je t’aime depuis toujours » se garde bien de dire quand commence le toujours et ce qui le précédait.
« Je t’aime-et-toi ? » est une demande de réassurance, qui ne dit pas l’amour mais l’inquiétude d’être aimé.
« Mais tu sais bien que je t’aime fort » est une affirmation qui a plus besoin de convaincre celui qui l’énonce que celui ou celle à qui elle s’adresse.
Dans le « je t’ai beaucoup aimé », il y a déjà toute la nostalgie d’un amour finissant qui tente de ne pas blesser et qui veut apaiser.

Au fond, l’amour pour se dire a besoin de l'expression la plus simple : « je t’aime » qui s’accompagne de multiples signes qui vont envelopper le mot, comme nous le faisons pour l’emballage d’un cadeau précieux. Je t’aime se dit avec la lumière des yeux, l’infime d’un mouvement, l’élan d’un geste, la pétillante d’un regard, la gravité des mots, la douceur d’une présence, la chaleur d’un contact.

Dans mon existence, je n’ai pas dit souvent « je t’aime ». J’aurais dû, je le regrette. J’étais de ces hommes qui pensaient que cela se voyait, que mes sentiments étaient évidents, qu’il était suffisant d’être là aimant, gentil ou courtois. Il faut dire que j’avais été traumatisé dans ma jeunesse, quand j’ai dit un soir à ma blonde de l’époque « je t’aime » et qu’elle m’a répondu « mais tu me l’as dit ce matin ! ». Cela ne doit pas être une excuse, j’aurais du savoir qu’il existe aussi des femmes qui acceptent d’être aimées.

Alors bien sûr, aujourd’hui j’invite tous ceux qui se sentent amoureux, qui se veulent encore amants à ne pas hésiter, à oser se faire des déclarations au quotidien. Il n’est pas nécessaire d’attendre un anniversaire ou la Saint Valentin. Un amour vivant peut se témoigner à toute heure du jour (et de la nuit !) et s’offrir ou se confirmer avec démesure.

Jacques Salomé
Passeur de vie

Publié dans Mes lectures

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C
et toi soeur Anne, que deviens-tu ?bises, à bientôtcat
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S
s'aimer c'es tous les jours, au quotidien, Jacques Salomé est un bon auteur dans sa spécialitébonne journée
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L
il parle bien ce Jacques Salomé...il a raison ..dans "je t'aime" ...tout est dit...et tout adjectif ou adverbe diminue le sentiment...c'est curieux mais réel...Un très bon texte....bisous et bonne journée à toi...
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